Black Swan
Fiche Technique
Réalisateur : | Darren Aronofsky |
Acteurs : | Natalie Portman, Vincent Cassel, Mila Kunis |
Durée : | 1h43 |
Pays de Production : | Etats-Unis |
Date de Sortie : | 9 février 2011 |
Récompenses : | |
Scénario :
Rivalités dans la troupe du New York City Ballet. Nina est prête à tout pour obtenir le rôle principal du Lac des cygnes que dirige l’ambigu Thomas. Mais elle se trouve bientôt confrontée à la belle et sensuelle nouvelle recrue, Lily...
L'Avis de Pepper Kan :
Sujet relativement peu traité au cinéma, la danse classique et son univers inspirent pourtant de nombreux films de qualité, les Chaussons Rouges et d’autres l’ont démontré. Nouvelle réalisation de Darren Aronofsky, Black Swan lie le spectateur à la destiné de Nina Sayers, jeune danseuse talentueuse de ballet, interprétée par Nathalie Portman. Drame juste et profond, Black Swan est un film à l’esthétique parfaite, réalisé avec un fort grain en 16mm car le réalisateur recherchait un effet documentaire. Gênant au début, lors des séquences caméra à l’épaule, ne donnant pas de couleurs vives, cet aspect n’empêche pas cependant d’apprécier l’œuvre. Et cela ne tombe pas si mal puisque qui dit film obscur dit obscurité !
Scénario basé sur le double et l’équilibre, ces mots clés forment l’architecture du film. A l’instar de Requiem for a Dream, Black Swan est à la descente aux enfers ce que Google Maps est aux routes de vacances, un itinéraire logique, simple et efficace. La dualité est de mise pour tout les éléments dans le film, lui-même à double-double tranchant : à la fois somptueux et glauque, à la fois poétique et malsain... Les séquences de danses sont effectivement les moments où le film touche la grâce : intenses, fluides, puissantes… Extraordinaire mise en scène où l’émotion prend à la gorge dans le rythme effréné des transformations de Nina. La dualité s’empare de tout : des personnages, des relations entre eux, des décors, de l’histoire juxtaposée à celle du Lac des Cygnes… Le bâtiment de répétition des danseuses, lieu d’où émane la passion, est un endroit froid, vide, grisâtre, fait de béton, sans couleurs ni lumières. Il en est de même pour Vincent Cassel, interprète du directeur de la compagnie, personnage protecteur et étouffant, odieux, usant de son emprise sur ses danseuses. Surtout, il est l’élément déclencheur de l’intrigue, celui qui pousse Nina à se libérer ; de sa mère d’abord, personnage inquiétant, dominant la vie de Nina. Ainsi que de l’ex-étoile de la compagnie, Beth, modèle admiré et respecté, qui sombre dans l’alcool et la dépression, plus proche du vilain petit canard que du cygne noir cependant. Les personnages sont en proie à de violents conflits intérieurs car ils ont tous en chacun deux forces contraires qui s’affrontent et s’opposent. Lorsque l’une prend le dessus sur l’autre, l’équilibre du rapport de forces est perdu et le personnage plonge corps et âme dans les abysses. Vouant sa vie à la danse, timide et réservée, Nina ne parvient pas à exploiter ses capacités car, luttant contre elle-même, elle est dans la retenue et la perfection de l’exercice. Ce n’est qu’à partir du moment où elle va rompre l’équilibre, briser ses résistances physiques et mentales, broyer sa mère (oui oui, faut dire qu’elle était pénible), qu’elle touchera au sommet de son art.
Néanmoins, la route est longue car le film se construit par une montée en puissance divisée en étapes : le doute, l’angoisse, la paranoïa et enfin la folie. Et pour ça, la mise en scène ne lésine pas sur les moyens et les artifices : du sang en veux tu en voilà, les jeux de miroirs, les hallucinations, comportements schizophrènes, fantasmes sexuels, j’en passe et des meilleurs… Point crucial, il n’existe aucun secret entre Nina et le spectateur, ses émotions et sentiments se lisent parfaitement grâce au jeu d’acteur formidable de Nathalie Portman. Autre élément perturbateur dans l’équilibre déjà fragile de Nina, l’apparition d’une rivale, la belle et sensuelle Mila Kunis. Opposition de caractères et de styles, tenaillée entre son attirance et sa défiance envers elle, le duel constitue une des pertes d’équilibre de Nina. Paradoxe avec sa passion, où l’équilibre est la clé de l’art. Le maîtrisant à la perfection dans sa danse, elle est incapable de le conserver dans son esprit. La chute n’en sera que plus belle. La grâce est brisée, la passion libérée. Rondement menée, la lente et pénible métamorphose du cygne blanc en cygne noir se termine dans un dernier quart d’heure lancé tambour bâtant, magistral et magnifique.
A souligner la grande performance de l’ensemble des acteurs : Nathalie Portman s’offre son plus beau rôle, rendant vivante la détresse de son personnage et exécutant de magnifiques pas de danses. Vincent Cassel excelle une fois de plus dans la peau d’un névrosé, perfectionniste dont la vie est consacrée à ses danseuses. Viennent ensuite les seconds rôles féminins, tous joués avec subtilité et justesse : la rivale sauvage, la mère destructrice, l’ex-danseuse étoile anéantie.
Thriller psychologique intense, inquiétant, impulsif et oppressant, Black Swan est bâti en noir et blanc, un contraste que le spectateur peut s’amuser à retrouver dans tous les chapitres et éléments du film : costumes, caractères, volontés... Bénéficiant d’une réalisation soignée et efficace, sublimée lors des scènes de danses, le film monte en puissance petit à petit à l’image du ballet de Tchaïkovski. Construit intelligemment, Black Swan est l’un des meilleurs films de Darren Aronofsky, possédant une remarquable part de fantastique. Et il ne serait pas étonnant qu’une petite musique vous reste dans la tête après l’avoir vu.
Ma Note : 18/20 |